Giraud - Lot 1

Lot 1
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Estimation :
110000 - 130000 EUR
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Giraud - Lot 1
Giraud JEAN GIRAUD BLUEBERRY Le Cavalier perdu (T.4), Dargaud 1968 Couverture originale de l'album d'après le scénario de Jean-Michel Charlier. Signée. Gouache sur papier 33,2 × 46,5 cm (13,07 × 18,31 in.) C'est une pièce de musée, une véritable masterpiece. Situons-la d'abord historiquement : l'épisode Le Cavalier perdu a été prépublié dans le magazine Pilote du n° 360 (8 juin 1967) au n° 395 (1er février 1968), avant sa parution en album chez Dargaud la même année, en 1968. Cette publication s'inscrit dans la continuité du premier cycle de Fort Navajo, conçu comme une série d'épisodes indépendants. Ils se situent pendant la Guerre de Sécession, c'est-à-dire entre 1861 et 1865, plus précisément vers l'année 1864, soit à une période où la guerre entre Nordistes et Sudistes commence à se déplacer vers l'Ouest, dans les territoires encore instables de l'Arizona et du Nouveau-Mexique. C'est dans ce contexte que le lieutenant Mike Steve Blueberry, officier de cavalerie de l'Union, est affecté à Fort Navajo, poste avancé chargé de maintenir la paix entre colons et tribus indiennes, alors que l'armée régulière est mobilisée sur les fronts de l'Est. Le jeune lieutenant est très vite embringué - sinon il n'y aurait pas d'aventure - dans une accusation de trahison. Il est impliqué dans une affaire trouble mêlant Indiens, soldats renégats et trafiquants d'armes et se retrouve seul face aux intérêts qui s'opposent à lui, partagé entre le devoir militaire et sa conscience morale. Cela donne une bande dessinée de western moderne où Giraud, d'abord sous la tutelle de Jijé, monte graphiquement en puissance, aboutissant à un niveau de perfection qui en fait le meilleur western au monde, en phase avec les meilleurs réalisateurs de films de son époque, que ce soit Sam Peckinpah ou Sergio Leone. Cette couverture est la démonstration de cette maîtrise : elle saisit l'instant d'une cavalcade furieuse. Blueberry, penché vers l'avant, galope à bride abattue dans un désert âpre et minéral. L'image est partagée en deux, suivant la ligne d'horizon, dans un jeu de contrastes : la clarté brûlante du sol s'oppose à la masse sombre du ciel, où s'amoncellent les nuées orageuses. Tout annonce la tempête, qu'elle soit météorologique ou dramatique. Le personnage, anonyme et tendu, incarne l'essence même du western : l'homme seul face à l'immensité. Sa chemise bleue délavée, son foulard jaune et son chapeau blanc forment une triade de couleurs franches (celles de Lucky Luke !) qui tranchent sur le paysage organique des rochers mauves et du ciel bleu noirci par l'orage qui gronde. Giraud, héritier de Jijé et condisciple de Mézières qui ont, comme lui, vécus aux États-Unis, n'est pas encore le Moebius qui sortira dans quelques années de sa chrysalide. Il déploie ici une maîtrise picturale rare, digne des plus grands peintres et illustrateurs de l'histoire du western, dans la tradition rude et virile d'un Frederic Regminton par exemple. Mais au-delà de l'exploit graphique, cette couverture traduit le glissement de Blueberry vers un réalisme âpre, presque existentiel : le cavalier perdu, c'est Blueberry lui-même, un héros de western traditionnel à la Tom Mix ou à la John Wayne, dont la statue de commandeur se fissure peu à peu révélant un personnage un peu moins idéal. En un seul dessin, Gir parvient à transformer une icône mythologique en personnage déconstruit. Par sa vigueur, sa tension et sa beauté sauvage, cette couverture résume à elle seule la grandeur tragique du mythe Blueberry : celle d'un homme perdu dans l'infini de ses fautes et de ses horizons. Didier Pasamonik
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